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FOIN VENTILÉ : UNE ALTERNATIVE CONFIRMÉE AU MAÏS-ENSILAGE

La ferme de la Blanche Maison a investi en 2006 dans un séchoir de foin en vrac de 120 tonnes.© C.H.

Un peu moins productif en lait et en fourrages, de performances environnementales proches, le système « pâturage + foin ventilé » sort la tête haute de sa comparaison avec le maïs à la ferme expérimentale de la Blanche Maison (Manche).

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DANS L'OUEST, LE SYSTÈME FOURRAGER fondé sur le foin séché en grange présente une image « sexy » de la production laitière. Moins consommateur de pesticides, jugé plus naturel grâce au 100 % herbe et à un séchage en vrac via des capteurs solaires, agréable à distribuer, il trouve grâce aux yeux de certains producteurs. Cerise sur le gâteau, le lait issu du foin ventilé est plus riche en oméga 3, et donne des camemberts plus colorés qu'avec le maïs-ensilage. Ces observations résultent de comparaisons menées en 2005, à partir de trois rations hivernales à la ferme expérimentale de la Blanche Maison (Manche). Encouragée par ces résultats, cette dernière a creusé le sujet en évaluant, pendant quatre ans, les performances technico-économiques et environnementales d'un tel système. En 2006, elle construit un séchoir de 120 t pour 160 000 € d'investissement (zéro autoconstruction) et lance une comparaison de deux systèmes laitiers : « pâturage et foin ventilé » et « pâturage et maïs-ensilage ».

DEUX MINI-FERMES

Deux mini-fermes sont mises en place : une quinzaine d'hectares sont spécifiquement affectés à chaque lot de trente normandes pendant quatre ans (voir ci-contre).

« Avec, en moyenne, 33 ares par vache et par an, le pâturage est la base des deux systèmes. L'expérimentation était conçue pour une fermeture de silo de maïs ou une suspension du foin ventilé du printemps à la mi-octobre. Dans les faits, les conditions météorologiques de ces quatre années ont obligé à distribuer 2 à 4 kg de MS de fourrages l'été », indique Bernard Houssin, responsable de la Blanche Maison. Cette conduite alimentaire est calée sur des vêlages de la mi-octobre à la fin janvier. Les vaches sont réformées si elles sont vides au 31 mars Elles sont remplacées par des génisses élevées sur leurs surfaces. « Ces deux systèmes laitiers suivent une logique productive, précise Bernard Houssin. La ration complète distribuée en début de lactation fournit 110 g de PDI/kg de MS. La fertilisation azotée est établie pour un objectif de 14-15 t en maïs et de 11-12 t sur prairies multi-espèces récoltées. » Les conditions météorologiques de ces dernières années ont pesé sur les rendements qui atteignent respectivement 11,5 t et 9,1 t/ha de MS.

1 FOIN VENTILÉ DES PERFORMANCES LAITIÈRES AMÉLIORABLES

Le niveau d'étable enregistré confirme l'intérêt fourrager du foin séché en grange, même si les résultats du système « foin ventilé » sont un cran en dessous du lot « maïs-ensilage ». En hiver, les normandes « foin ventilé » produisent en moyenne 2,3 kg/VL/j de lait brut en moins (voir ci-contre). Le pâturage réduit cet écart mais ne le comble pas. Au final, la production brute annuelle est inférieure de près de 500 kg par vache.

• Des prairies multi-espèces sur mesure : « Avec une plus grande expérience des prairies multi-espèces, ces résultats auraient été meilleurs », estime Bernard Houssin. L'association ray-grass hybride + luzerne initialement implantée n'a pas donné satisfaction. La luzerne résiste mal aux sols frais de la Blanche Maison et l'épiaison régulière du RGH handicape la récolte de l'herbe pour un foin de bonne qualité alimentaire.

L'association est progressivement remplacée par un mélange fétuque élevée + dactyle + trèfle violet + trèfle blanc + RGA (en proportion moindre pour les deux derniers). « Toute la difficulté des prairies multi-espèces est d'adapter leur composition aux parcelles concernées. Leur hétérogénéité génère des valeurs alimentaires de foin également très hétérogènes, accentuées par des conditions de fauche variables d'une récolte à l'autre. Il faut du temps pour trouver le bon équilibre prairial. »

Pour preuve, les vingt-sept foins séchés en grange testés sur moutons. Leur valeur énergétique moyenne s'élève à 0,82 UFL/kg de MS mais avec une fourchette de 0,68 à 0,93. Pas facile dans ces conditions de bien caler la ration laitière. « Ce n'est pas le cas du maïs-ensilage qui n'est pas confronté à ce problème d'hétérogénéité. En revanche, les conditions de l'implantation de la culture sont déterminantes. »

• Les leçons tirées : le mélange prairial actuel convient. Reste à conserver un taux de légumineuses autour de 40 % en été. La Blanche Maison penche pour un semis de la prairie au printemps pour contourner le risque d'étouffement du trèfle blanc par le mouron blanc en hiver. Elle explore actuellement la piste d'une implantation au printemps sous couvert d'avoine. « Il faut aussi fauchersur sols bien ressuyés. Les légumineuses sont sensibles aux sols humides et au piétinement. »

• Les primipares plus sensibles. Le responsable avance une seconde raison à ces performances laitières inférieures : l'incapacité des primipares du lot « foin ventilé » à rattraper, au pâturage, l'écart de production enregistré en hiver, ce qui n'est pas le cas des multipares. « Peut-être les primipares subissent- elles un déficit énergétique plus prononcé en début de lactation qui pénalise l'achèvement de leur croissance. Ce ne serait pas le cas des primipares “maïs-ensilage”, s'interroge le responsable de la ferme. Elles rattraperaient ce retard mais au détriment du lait. »

2 REPRODUCTION PLUS DE QUESTIONS QUE DE RÉPONSES

L'hypothèse d'un déficit énergétique plus prononcé avec le foin ventilé est également avancée pour expliquer les problèmes de fertilité un peu plus importants chez les primipares du système « foin ventilé » (37 % de réussite à la première IA contre 45 %). Conséquence : son taux de réforme s'élève à 58,8 % contre 34,6 % pour le système « maïs-ensilage » (rappel : les femelles vides sont réformées au 31 mars). À l'inverse, chez les multipares, l'avantage est au système foin : 58 % de réussite à la première IA contre 51 %. « Nous avons étudié tous les facteurs de troubles de la fertilité sans trouver de véritables explications. »

3 ENVIRONNEMENT UN IMPACT SIMILAIRE

Signe des temps, les quatre années de suivi des deux systèmes laitiers ne sont pas cantonnées aux performances zootechniques. Leurs performances environnementales sont également comparées.

• Excédentaire en azote : le bilan des entrées et sorties d'azote (voir ci-dessus) à l'échelle des deux mini-fermes indique qu'elles sont largement excédentaires en azote (190 à 195 kg d'azote/ha). « C'est logique, analyse Bernard Houssin. Quel qu'il soit, un système laitier exporte peu d'azote. En revanche, par les concentrés, les engrais minéraux et la fixation symbiotique des légumineuses, il en importe beaucoup. » À noter d'ailleurs que, sans la fixation symbiotique, la ferme « foin ventilé » consomme moins d'azote. Malgré ces bilans élevés, il note que les « pertes d'azote par lessivage mesurées sont assez faibles, de 37 à 39 kg/ ha. » Au bout du compte, il reste 95 à 100 kg d'azote/ha stockés dans le sol. « Le niveau de fertilisation est fixé pour 15 t de MS/ha de maïs et 12 t de MS de foin ventilé, rappelle aussi Bernard Houssin. C'est plus que ce que nous avons obtenu. »

• Les leçons tirées : ces bilans azotés élevés sont la résultante d'une conduite productive du troupeau et des parcelles, en particulier des prairies pâturées qui valorisent un chargement élevé (1,8 UGB/ ha). La suppression de l'engrais starter 0-18-46 serait une première économie, y compris en phosphore. Compte tenu du stock d'azote dans le sol, le retournement des prairies au printemps, et non à l'automne, doit limiter les fuites d'azote. Le passage de vêlages 36 à 30 mois avec deux périodes et l'abaissement du taux de renouvellement du troupeau réduiront le chargement et donc l'intensification fourragère demandée aux prairies.

• Le système « foin ventilé » plus dépensier en énergie. Les performances environnementales ne se limitent pas au seul azote. Les consommations des ressources fossiles et les émissions contribuant au réchauffement climatique, à l'acidification de l'air et à l'eutrophisation de l'eau sont aussi évaluées. Pour cela, de l'amont de l'exploitation jusqu'à sa sortie, tout ce qui rentre dans le processus de production agricole est intégré (par exemple l'énergie pour fabriquer et transporter les concentrés). Dans les deux systèmes, ces impacts environnementaux sont proches. Les consommations en énergie favorisent malgré tout le système « maïs ». Si celles indirectes (concentrés et engrais minéraux) et de carburants sont voisines, le fonctionnement du séchoir double celles en électricité au niveau de l'exploitation (voir le tableau ci-contre).

• Les pistes de correction : une gestion affinée de la complémentation azotée de la ration laitière baissera les apports de correcteurs. Plus de légumineuses dans les prairies limitera les engrais minéraux.

• Réchauffement climatique : une légère prime au système foin. Les émissions de protoxyde d'azote, de méthane et gaz carbonique contribuent au réchauffement climatique. Ils proviennent essentiellement des déjections dans le bâtiment et au stockage ainsi que du méthane entérique fabriqué par les bovins. « L'impact sur le réchauffement climatique est identique dans les deux cas, essentiellement à partir des émissions de méthane. 35 % de l'incidence sont expliqués par le méthane entérique et 23 % par celui des déjections. » La proportion de prairies plus grande en « foin ventilé » a un effet compensateur un peu plus important au travers du stockage du carbone dans les prairies (voir ci-dessus).

• Les pistes de correction : sans doute la plus aisée serait de passer de vêlages 36 à 30 mois et de réduire le taux de renouvellement du troupeau pour diminuer l'effectif des animaux et ainsi réduire les émissions de méthane de l'exploitation. Il faut aussi éviter les retournements de prairies. Cela passe par un maintien des légumineuses, via du sursemis par exemple. Les rations laitières à 90 ou 95 g de PDI/kg de MS peuvent limiter également les rejets azotés, avec moins d'émissions d'ammoniac, et de protoxyde d'azote à la clé. L'épandage du lisier avec une rampe à pendillards va dans ce sens.

CLAIRE HUE

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